mardi 16 mai 2006

Devenir ou ne pas devenir sa mère....

"Je ne veux surtout pas ressembler à ma mère": certaines femmes mettent une énergie farouche à se différencier de leur mère (mais curieusement, on constate qu'au fil du temps, ce sont souvent les mêmes qui, à leur corps défendant, se mettent le plus à lui resssembler, physiquement et psychologiquement). Or devenir mère, c'est courir le risque de devenir, au moins inconsciemment, comme sa propre mère: ce que certaines peuvent désirer, mais que d'autres redoutent par-dessus tout.
L'inversion de la transmission est une attitude fréquente chez celles qui, ayant souffert d'un "mauvais rapport" avec leur mère, s'efforcent de faire le contraire à la génération d'après, pour garantir un "bon rapport" avec leur propre fille. Mais les résultats sont souvent décevants, voire contraires aux expectatives. En effet, la mère qui, cherchant à être, elle, une "bonne mère", veut donner à sa fille ce que sa mère à elle ne lui a pas donné, risque de tomber dans un excès inverse, qui obérera tout aussi sûrement ses rapports avec sa fille. C'est le cas notamment des filles de mères "plus femmes que mères" ou "ni mères, ni femmes" qui, ayant souffert d'un manque d'amour, deviennent à l'inverse de leur propre mère, des mères "plus mères que femmes". Ce faisant elles ne sont pas à même de comprendre que ce qu'elles donnent à leur fille, c'est ce dont elles-mêmes ont besoin - mais pas forcément ce dont leur fille a besoin. Et plus la fille se dérobe à cet excès de sollicitude litttéralement déplacé, plus la mère, croyant qu'il lui en faut plus, lui en donne, contribuant ainsi à la détérioration de leurs rapports, qu'elle s'imagine améliorer en offrant à sa fille toujours plus de ce qui lui a manqué à elle - c'est-à-dire, pour la fille toujours trop, beaucoup trop. Derrière l'écran de l'"amour", qui achève de justifier la mère dans son comportement, se défait ainsi, peu à peu, toute possibilité de relation autre qu'une demande maternelle infinie, sous la forme d'un don tout aussi infini, à quoi la fille ne peut oppposer que la dérobade, faute de pouvoir dire à sa mère: "ce que tu crois me donner, c'est pour toi que tu le donnes, faute de l'avoir reçu de ta propre mère; aussi ne puis-je ni le prendre, ni le rendre."

Extrait du livre MERES-FILLES, une relation à trois, de Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich, chapitre 26, pages 329-330. Ce livre est passionnant.

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